Titre
original : Crónica de San Gabriel
Traduction
de Clotilde Bernadi Pradal
(Gallimard.
Collection La Croix du Sud, 1969)
Une
très belle traduction pour lire un des
représentants majeurs de la littérature péruvienne
contemporaine : Julio Ramón Ribeyro (1929-1994).
Raconté à la première personne par un adolescent, ce récit nous
plonge dans la vie d'une hacienda de la zone andine du pays,
l'hacienda San Gabriel. Devenu orphelin, le narrateur y trouve la
protection d'un oncle mais aussi un espace où pèse encore
l'héritage colonial : Indiens pauvres et exploités, tensions
raciales, attitude seigneuriale du propriétaire terrien, relations
troubles dans un milieu familial clos et isolé...Toute une culture
amenée à disparaître avec la modernité mais surtout parce qu'elle
s'autodétruit. Roman d'initiation, ce récit est aussi une peinture
de l'oligarchie péruvienne.
"Mon oncle Leonardo avait fait de sa maison une auberge et de la vie rurale une foire perpétuelle. Aucun propriétaire terrien, aucun ingénieur, aucun représentant de commerce, aucun curé en voyage qui ne fût retenu de force et contraint de séjourner à San Gabriel, où le vin tenait lieu d'amphitryon et la bringue d'oreiller. Chaque jour on immolait une douzaine de poules, un mouton, un cochon ou un cerf. J'étais donc constamment en contact avec des nouveaux venus, ce qui ne signifiait pas seulement la découverte d'autres êtres mais encore de constantes négociations avec une nouvelle partie de moi-même. Tout me conduisait à la diversité. Au milieu d'un tel tumulte je tâchais de discerner les lieux et surtout les personnes avec qui je pourrais me trouver quelque affinité."
![]() |
| Fête de San Juan en Amancaes. Johann Moritz Rugendas. Lima,1843 |
