Titre
original : El taller del tiempo
Traduit
par Gabriel Iaculli
(Plon,
2005)
Né
en 1953 à México, Álvaro Uribe est
éditeur et écrivain. Il écrit des nouvelles, des romans et des
essais. Dans ce roman, il expose les relations de rivalités entre
trois générations d'hommes dans une famille patriarcale : le
grand-père tout puissant, le père brisé et le petit-fils rebelle.
Construit en sept chapitres qui sont autant de points de vue
distincts, le récit relève tout à la fois de la peinture
psychologique et sociale et de la nouvelle fantastique.
"J'ai grandi en cherchant des arguments pour me convaincre que mon père n'était pas un demi-dieu. Ma mère et mes deux sœurs cadettes l'adoraient sans réserve ; moi aussi je l'admirais exagérément, mais sa manière en partie moqueuse en partie dédaigneuse de répondre à cette admiration m'empêcha de m'y livrer entièrement. À peine entré dans l'adolescence, j'osai mesurer mes forces aux siennes. Armé d'un amour naissant des belles-lettres qui me venait de ma mère, je commençais à cultiver mes talents oratoires innés ; lui, fort d'une éloquence prosaïque qui le rendait insensible aux subtilités de la haute rhétorique, me considérait comme un simple phraseur. Les rares soirées où il rentrait de son bureau pour dîner à la maison étaient pour moi presque un supplice. Je ne pouvais supporter de voir mon père se contenter de me regarder avec impatience pendant que je m'entretenais avec ma mère et épatais mes sœurs en recourant à un vocabulaire inusité pour quelqu'un de mon âge ; c'était encore pire quand, avec une moue d'exaspération, il m'interrompait au milieu d'une période."
