"Le trille du diable" de Daniel Moyano


Titre original : El trino del diablo
Traduction d'Annie Morvan
(Robert Laffont, 1983)

L'Argentin Daniel Moyano (1930-1992) compta parmi les victimes de la dictature. Arrêté en 1976, il s'exila ensuite en Espagne où il vécut jusqu'à la fin de sa vie. Son œuvre parle de la marginalité, de la violence, de la répression politique, de l'exil mais aussi de l'espoir et des rêves.

Candeur, absurde et ironie caractérisent ce petit roman, Le trille du diable, qui commence avec la fondation de la ville de Todos los Santos de la Nueva Rioja, une ville vouée au malheur. Suivent alors les tribulations de Triclinio, enfant pauvre de cette ville, qui a la particularité d'entendre la musique du monde et d'échapper ainsi au désespoir. Un récit comme une parabole pour dire la violence de la dictature et l'idéalisme blessé.
On trouvera aussi dans cette édition, une nouvelle de facture surréaliste qui raconte une histoire d'amour et de musique : Marie Violon. Daniel Moyano était professeur de musique.

"-Comment ? Qu'y a-t-il ? Demanda Triclinio. Puis : pardon, je n'ai pas entendu. J'écoutais l'eau de la rivière et cela m'a distrait. De quoi s'agit-il ? 
Le vieil homme s'inquiéta une fois de plus des distractions répétées de son fils. " Comment ? Tu n'écoutes donc jamais rien ? "- "C'est que je n'entends jamais rien ", répondit Triclinio. - " Et pourquoi n'entends-tu jamais rien, si on peut savoir?" Triclinio fit sa tête de linotte et dit " Comment? " Et le père : " Qu'est-ce que tu as ? Pourquoi n'entends-tu jamais rien, bon sang ! " - "parce que j'ai la tête pleine de sons. Tu vois en ce moment, j'entends toutes les notes du ruisseau et j'en ai pour plusieurs jours. " 
Car c'était la façon de Triclinio de contempler le monde obscur et tourmenté qui l'entourait. "

Violon, bouteilles de Marc et cartes de Louis Marcoussis