"Mascaro, le chasseur des Amériques" de Haroldo Conti


Titre original : Mascaro, el cazador americano
Traduction d'Annie Morvan
(Éditions Albin Michel, 1982)

Voici le dernier roman écrit par l'écrivain argentin Haroldo Conti né en 1925 à Chacabuco et disparu en 1976, durant la dictature. Ce livre important est ici publié avec une préface de Gabriel Garcia Marquez qui revient sur les derniers jours de l'écrivain à Buenos Aires et dénonce sa disparition. Le roman où des vagabonds ouvrent les portes de la joie malgré la laideur et la violence du monde qui les entoure est un chant poétique à la liberté et à l'imagination.

"Les musiciens avaient soufflé et gratté jusqu'à ce qu'ils s'endorment ; seul le harpiste aveugle, qui ne vit pas venir la nuit, continua de jouer et ne cessa qu'à épuisement de ses doigts. Au petit matin, il s'arrêta et le silence les enveloppa tous. La harpe resta au milieu du salon. C'était une belle harpe, avec un chevillier sculpté comme un autel et un manche couronné d'un ange se tenant sur la pointe d'un pied, prêt à sauter à terre. L'ange était petit mais bien fait. Peau humaine, yeux de verre, ailes d'oisillon. Il flottait dans l'air, gracile. Sans son instrument, le harpiste n'était qu'une moitié d'homme. L'homme tout entier, c'était la harpe, l'ange et l'aveugle qui, lorsqu'il jouait, bougeait avec grâce, voyait les choses de l'âme sans la contrainte de la chair, pinçait les cordes d'un bout à l'autre avec assurance, dirigeait. Une vie qui ne pesait pas lourd." 

Cirque ambulant. Paul Klee.Vers 1940.