"Roulements de tambours pour Rancas" de Manuel Scorza


Titre original : Redoble por Rancas
Traduit par Claude Couffon
(Editions Métailié, 1998)

Roulement de tambours pour Rancas est le premier roman d'un cycle narratif débuté en 1970 et consacré aux luttes agraires des paysans andins du Pérou des décennies précédentes. Ce cycle comprend cinq titres : Roulement de tambours pour RancasGarabombo l'invisibleLe cavalier insomniaqueChant d'Agapito Robles et Le tombeau de l'éclair. Les récits mêlent le réalisme burlesque et la magie des mythes quechuas, les époques se confondent pour donner à ces batailles toute leur dimension de marqueurs historiques.

Ce travail littéraire inscrit le Péruvien Manuel Scorza (1928-1983) dans la veine indigéniste ouverte par ces compatriotes Ciro Alegría et José María Arguedas qui, eux aussi, s'engagèrent pour défendre la culture ou les conditions sociales des Amérindiens de leur pays.

Le cycle, appelé aussi « La balada » ou « Las Cantatas » a pour titre général La Guerre silencieuse parce que les massacres perpétrés durant ces conflits furent occultés. La narration qu'en fit Scorza permit d'ailleurs de les dénoncer. Ainsi, Roulement de tambours pour Rancas, où il raconte comment quelques villages tentent de s'opposer au vol de leurs terres par la société minière américaine, la Cerro de Pasco Corporation, fut vite traduit dans une trentaine de langues. Cette notoriété littéraire obligea le gouvernement à relâcher un des héros du récit condamné à vingt ans de prison : Hector Chacon, le Nyctalope.
Lire ou relire La Guerre silencieuse c'est se souvenir de combats qui sont encore actuels.

"Un hiver prématuré pataugea dans les chemins. Les traces se perdaient dans la boue. Décembre tonnait du côté des cordillères. Réfugiés dans leurs cabanes, les gens regardaient les pattes des chevaux s'enfoncer dans la gadoue. Un mercredi pluvieux, un garde civil émergea du chemin de Yanahuanca. La face de bouledogue de Paz le flic prit la direction du domicile d'Agapito Roblès, le délégué. Les gens s'entassèrent, mais le garde ne venait pas avec l'ordre de capturer qui que ce fut. Valério, le sous-préfet, confirmait que la confrontation entre l'hacienda Huarautambo et la communauté de Yanacocha aurait lieu le 13 décembre. Le garde Paz les remercia pour le petit verre de gnôle qu'on lui avait offert et se perdit dans le brouillard. 
- C'est curieux, dit Mélécio de la Vega. Oui, vraiment, c'est curieux que l'Autorité ait pour nous autant d'égards !"


Chasse au bison. George Catlin. 1844.