Titre
original : Tandil, el jadeo
Traduction
de Claude Bleton
(
Manosque, Le bec en l’air, 2010)
Avec
pour toile de fond la toute neuve Argentine issue des guerres civiles
qui opposèrent unitaires et fédéralistes, Néstor Ponce offre dans
ce petit roman un récit historique envoûtant qui nous plonge dans
le monde rural de la pampa argentine, un monde fait de pauvreté, de
dureté et de superstition.
Depuis
que la petite fille du propriétaire terrien est morte, des râles
émanent de sa chambre sans discontinuer. Le père, désespéré,
demande alors de l'aide à un certain Papa Dieu, un gaucho considéré,
dans la région, comme un guide spirituel...Un texte d'une rare
beauté illustré par des photographies de Pablo Añeli et quelques
images d'archive.
"C'est peu après le départ de Matildita que j'avais entendu les premiers râles, la nuit. Je les mis d'abord sur le compte de la fatigue, de l'imagination écartelée par le souvenir. Ensuite, je crus que c'étaient des animaux qui rôdaient, la langue pendante. Si près de la maison ? Des chiens errants venus planter leurs crocs dans la gorge des moutons ? C'est pour cette raison que je me levai une première fois, les mains pétrissant le noir. Je pris le colt dans ma table de chevet. Le jour se levait et le ciel bouché annonçait une matinée poisseuse et lourde. Quand j'ouvris les volets, les râles s'interrompirent. Je scrutai les arbres du voisinage, les bras des grandes herbes, les plantations au-delà. La paix était si profonde qu'on pouvait tendre la main et saisir les fragments de cette image. Rien ne bougeait, rien ne tremblait.Il s'agissait des premiers signes. Mais je ne pouvais pas le savoir. Pas encore. "
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| La Pierre mouvante. Tandil (Argentine), 1890 |
