“Châtiment divin” de Sergio Ramírez

 Titre original : Castigo Divino

Traduction de Claude Fell

(Editions Denoël, 1994)


C'est un roman nicaraguayen qui a été publié en 1988. Une histoire basée sur un cas criminel : un jeune homme, appelé Oliverio Castañeda, est accusé d'avoir empoisonné son épouse, une supposée maîtresse et le père de cette dernière. Un roman comme une chronique judiciaire à base de déclarations de témoins, d'entretiens ou de pièces à conviction comme des lettres ou des poèmes que nous suivons avidement avec un foule d'autres personnages familiers qui constituent la petite ville de León... Tous ces éléments se contredisent et nous empêchent de savoir si Castañeda est coupable, de nous faire une idée exacte de qui est Castañeda. Est-ce un séducteur manipulateur et criminel ou un homme délicieux ? Nous sommes embarqués, au fil de ce gros roman, dans le feuilleton romanesque tout comme toute la ville de León où se déroule de drame et ce n'est qu'à la fin que nous comprenons que le crime véritable n'est pas celui qui nous occupe mais l'assassinat politique d'Oliverio Castañeda.

Le roman apparaît comme un satire de toute une société - León dans les anées 1930 – et des différents discours que peut générer cette société : chroniques des journaux à sensation, commérages d'une groupe d'hommes qui se réunit dans le bar pour ruiner des réputation, déclarations judiciaires partisanes, disputes scientifiques, lettres d'amour, sermons... une énorme variété de registres discursifs qui permet de faire le portrait d'une société complète.

Cet intérêt pour la complexité socioculturelle et politique caractérise l'oeuvre de Sergio Ramírez qui dit, à propos d'un autre de ses romans intitulée ¿Te dio miedo la sangre? : ce qui l'intéresse c'est voir la « tyrannie comme un produit social, c'est-à-dire, dans lequel il y a de la responsabilité, des coresponsabilités, des bourreaux, des victimes, des relations de pouvoir très variées qui se reproduisent, de manière réfractée, dans la vie des gens ». Cette dimension sociologique n'est pas étonnante de la part d'un auteur qui est aussi un homme politique qui a lutté contre les Somoza, la dynastie de dictateurs du Nicaragua, et qui a fait partie du nouveau gouvernement révolutionnaire qui mit fin à la dictature en 1979.

Cependant, l'ironie de l'histoire c'est que Sergio Ramírez lui-même, auteur de ce roman judiciaire, est victime, depuis, du pouvoir juridico-politique de son pays et a du s'exiler. Son ancien allié, Daniel Ortega, dont il s'est séparé pour dissensions politiques, est devenu son pire ennemi.


A la cour de Justice. Honoré Daumier. 1866