Titre original : Cerco de penumbras
Traduction de Martine Coulderc
(Édition Patiño, 1987)
Oscar Cerruto, de père bolivien et de mère anglaise, est né à La Paz en 1912. Il est mort dans cette même ville en 1981. Poète, romancier, essayiste, journaliste et diplomate, c'est un des auteurs majeurs de la littérature bolivienne. Ce recueil de nouvelles merveilleusement traduit permet au public français de découvrir la beauté poétique de son écriture.
On trouve dans ce recueil toutes les gammes du récit fantastique - surprise glaçante, récit absurde ou onirique - mais aussi des variations sur la ville ou des portraits d'enfants d'un réalisme sensible.
" Je m'approche d'une table où l'on me fait une place.
-Comment ça va ?
-Quoi de neuf ?
-Rien.
Rien, jamais rien. Le contenu des paroles, ici, n'a pas d'importance. L'essentiel est d'être – mal assis – au bord de la table, comme au bord de la cordialité. Plus qu'avec les autres, avec soi-même. Parce que je reste seul, avec eux, qui sont seuls aussi. C'est notre seule façon, à nous, les hommes de la ville, de nous réunir, de réunir des solitudes limitées, lisses, compactes, semblables à des parcelles de terre irriguée par le ruisseau excité de mots. Me trouver ici, dans l'exaltation, c'est comme être à la fois en moi, et hors de moi. Je crie, je m'enflamme. Gratuitement. Car mes paroles tombent sur la table comme de la fausse monnaie, elles crèvent l'air, comme des oiseaux de fumée."
