"Colons" de Leonardo Sanhueza

Titre original : Colonos

Traduction de Nadine Dejong

(L'atelier du tilde, 2013)


De nombreuses fois primé dans son pays, Leonardo Sanhueza, né en 1974, est un des acteurs notables du renouveau de la poésie chilienne.

Colons est un recueil poétique qui évoque la vie pénible et violente de ceux qui s'installèrent, à la fin du XIXe siècle, dans la région de l'Araucanie. Un récit en prose, Les poissons volants, récit du voyage que fit l'ingénieur belge Gustave Verniory pour tenter sa chance au Chili, permet de contextualiser les textes poétiques qui suivent. On s'interroge en lisant ces poèmes : les personnages ont-ils existé ? Ces histoires et ces portraits sont-ils inspirés de récits transmis ? Poème après poème, Leonardo Sanhueza reconstitue toute une époque et, par petites touches, restitue les personnalités de ces aventuriers fondateurs.


Le livre est édité par une jeune maison d'édition dédiée à la littérature hispanique, l'Atelier du tilde et fait partie de la collection poésie Lolita Valdéz dont les ouvrages sont façonnés, reliés et cousus à la main.

 

"Au terme d'un mois de navigation, le détroit de Magellan salua le Potosi derrière le cap des Vierges. Une colombe réunit les rochers puis les sépara de nouveau. En dessous passaient, indifférents, les canoës travaillés à l'herminette, sans géants dans l'équipage, mais avec des hommes à la peau tendue comme du cuir tanné et remouillé. Les femmes utilisaient des ceintures cartouchières pour porter leurs enfants. On entendait les aboiements d'un chien et le vent sifflait dans l'été inutile. L'été, l'hiver. La nuit et le jour. Punta Arenas ne valait pas un centime. Entre-temps, les Fuégiens nus avaient secoué les cordages du bateau et la moustache de Verniory avait tressailli : ils offraient des fruits de mer, des peaux de guanacos, des plumes d'autruche, et tous présentaient l'apparence démente de Jean le Baptiste. Les marins leur jetaient des boîtes vides et des bidons de pétrole."

 

Selknams, appelés aussi Onas, sur une plage, vers 1930.