Titre original : Noticias del Imperio
Traduction de Claude Fell
(Fayard, 1990)
En 1861, Napoléon III, avec la bénédiction du pape, se lance dans l'entreprise d'établir un empire « latin » et catholique au Mexique, un empire qui contrebalancerait le pouvoir grandissant des Américains.
En 1861, la République mexicaine indépendante a pour président le libéral Benito Juarez, d'origine zapotèque.
C'est cette entreprise hasardeuse et qui termina si mal que narre dans ce livre monumental, baroque...et documenté le Mexicain Fernando Del Paso (Prix Cervantès, 2015).
La situation du Mexique, avant l'intervention française, est difficile. Le pays est affaibli par les conflits qui ont suivi l'indépendance (1821). Il est divisé entre conservateurs et libéraux et gravement endetté. En 1861, le gouvernement de Juarez décide la suspension de la dette extérieure. C'est ce prétexte que prend la France pour intervenir militairement avec l'appui de deux autres puissances coloniales, l'Espagne et l'Angleterre qui se retirent vite de l'entreprise. Les troupes françaises prennent d'assaut Mexico avec l'appui du parti conservateur et, à la demande de Napoléon III, une junte composée de notables se réunit et proclame l'Empire. La couronne est offerte à Maximilien de Habsbourg, frère de l'empereur d'Autriche.
Fernando Del Paso déroule devant nous avec sarcasme et érudition, tous les dessous de cette grande affaire : le luxe ostentatoire de Maximilien, ses erreurs politiques, l'abandon de Napoléon III, les réflexions politiques de Juarez, l'opinion de la rue, les faits d'armes et les trahisons et, surtout, la voix de l'impératrice Charlotte, devenue folle en tentant de sauver son époux... ses longs monologues délirants ponctuent de manière onirique et violente, tout au long du roman, le récit de cette entreprise tout aussi folle qu'elle.
Voici un extrait où Juarez parle avec son Secrétaire :
" Savez-vous, Monsieur le Secrétaire, qu'une des choses qui m'irritent le plus, c'est toute cette hypocrisie... Charles III a expulsé les Jésuites et beaucoup l'ont considéré en Europe comme un grand roi, peut-être le meilleur de la lignée des Bourbons. Moi, j'expulse quelques évêques et on me traite d'antéchrist. La séparation de l’Église et de l’État se produit en France vers la fin de 1700... Je fais la même chose au Mexique et on dit que je suis un démon rouge, un hérétique qui tente de fonder un État athée... comme si un État pouvait être athée. Cela n'a pas de sens. Seuls les individus peuvent être athées ou déistes. L’État est laïque, n'est-il pas vrai ? » « C'est exact, Monsieur le Président. » « Et dites-moi : le gouvernement du grand-père de Charlotte, Louis-Philippe, qui était constitutionnellement catholique, n'a-t-il pas longtemps été dirigé par Guizot, qui était calviniste, et par Thiers, un voltairien ? » « C'est exact, Don Benito. » « Vous avez appris, n'est-ce pas, qu'à Londres on a offert une grande réception à Garibaldi et que Lord Shaftesbury, ou quelle que soit la prononciation, l'a comparé au Messie ? Et sans aller plus loin, en Belgique, le pays de Charlotte, les œuvres de Proudhon circulent à profusion... Ah, des vents de liberté soufflent en Europe, Monsieur le Secrétaire, mais ici, au Mexique, cette même Europe veut faire revivre le Moyen Age, l'obscurantisme... "
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| Photographie de l'exécution de Maximilien Ier du Mexique. Miramón y Mejía. 1867 |
