Titre original : Doña Bárbara
Traduction de René L. F. Durand
(Gallimard, 1951)
En 1964 a été créé le prix international de littérature Rómulo Gallegos. Ce prix est considéré par beaucoup comme le plus prestigieux de la littérature en langue espagnole. C'est dire l'importance de cet écrivain, enseignant et homme politique vénézuélien né en 1884 et décédé en 1969. Doña Bárbara, publié en 1929 est son roman le plus célèbre. Il met en scène un des grands thèmes de la culture latino-américaine qui émerge lors des indépendances : l'affrontement entre la civilisation et la barbarie dans l'élaboration des identités nationales.
Le premier à s'être fait l'écho de ce thème tout autant politique que culturel fut l'écrivain et homme politique argentin Domingo Faustino Sarmiento avec son livre Facundo, écrit en 1845. Ce livre fondamental de la littérature hispano-américaine est une biographie de Juan Facundo Quiroga, un caudillo (chef militaire) des guerres civiles argentines des décennies 1820 et 1830. Cette biographie est, pour Sarmiento, l'occasion de dépeindre la nature argentine et le caractère du gaucho mais c'est surtout un pamphlet contre Juan Manuel de Rosas (1793-1877), tyran qui dirigea la Confédération argentine de 1835 à 1852, et contre la barbarie du caudillisme traditionnel basé sur la personnalisation du pouvoir, la violence et le clientélisme.
Avec Doña Bárbara, Rómulo Gallegos reprend les données de cette problématique mais au Venezuela : la beauté et la sauvagerie de la savane, les mœurs rudes de ceux qui y vivent et la barbarie du caciquisme. Pour ce faire, il met en scène l'affrontement entre Doña Bárbara, une métisse indienne que la vie a rendue impitoyable et Santos Luzardo, jeune propriétaire terrien ayant étudié à la ville qui revient sur ses terres avec l'intention d'y amener la civilisation. Paru au début du XXème siècle on retrouve dans ce roman des échos du romantisme et du naturalisme et, surtout, le charme des romans d'aventure.
"Et permettez-moi de vous donner un conseil car vous êtes jeune et étranger en ces lieux, à ce qu'il paraît : n'acceptez jamais un compagnon de voyage si vous ne le connaissez pas comme vos propres mains. Et puisque je me suis permis de vous donner un conseil, je vais vous en donner un deuxième, car je vous ai trouvé sympathique. Prenez bien garde à Doña Bárbara […] celui à qui elle ne tourne pas la tête par ses cajoleries, elle l'envoûte avec un breuvage ou l'accroche à ses jupes et fait avec lui ses quatre volontés, car elle est experte aussi en sorcelleries. Et s'il s'agit d'un adversaire, elle ne fait pas de sentiment pour ordonner d'ôter de sa présence celui qui se met en travers de ses projets..."
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| Fim de romance de Antônio Diogo da Silva Parreiras |
