«  El ultimo lector » de David Toscana

 Traduction de François-Michel Durazzo

(Zulma, 2009)


David Toscana (1961) est un des meilleurs représentants de la littérature mexicaine d'aujourd'hui. Dans ce roman amusant et profond tout à la fois, il élabore une construction qui interroge les rapports entre la réalité et la littérature.

Au nord du Mexique, dans un village, un bibliothécaire sans lecteur : Lucio. Il a la particularité de lire scrupuleusement tous les livres pour savoir s'ils méritent ou non d'intégrer sa bibliothèque. Mais Lucio trouve surtout dans ces lectures une explication aux événements et au monde qui l'entourent : le cadavre d'une fillette trouvée dans le puits de son fils, l'histoire nationale, l'amour... le jeu du récit se déploie comme peut le faire une improvisation musicale, reprenant et variant les thèmes, affectant le déroulement même de l'histoire et la manière de l'écrire.

« Un spécialiste avait expliqué la manière de ranger les livres selon les sujets, la date de publication, la nationalité de l'auteur et d'autres critères, en leur assignant des nombres et des lettres. Jamais il n'avait parlé de séparer les bons livres des mauvais. En revanche, il avait assuré que le critère principal de classification était basé sur le concept de fiction et de non fiction. Lucio avait été profondément déçu par le discours de ce spécialiste. Il ne pouvait pas croire que cette classification eût été conçue par des gens qui connaissent les livres, la littérature, il n'était pas possible de se trouver démuni au point d'assigner à un chose un nom sans rapport avec elle. En outre, où était la frontière entre l'une et l'autre ? Où prenait place les mémoires d'un ancien président ? Un roman historique ? Les vies des saints ? De quel côté devait se trouver le témoignage d'un soldat ? En cas de contradictions entre deux livres d'histoire ou entre deux livres sacrés, qui décidait lequel des deux devait rejoindre les fictions ? Lucio avait fermé son carnet et n'avait plus écouté ce charlatan. Lui avait des idées claires. Un livre d'histoire parle de choses qui sont arrivées, tandis qu'un roman parle de choses qui arrivent et, ainsi, le temps de l'histoire contraste avec celui du roman, que Lucio appelle présent permanent, un temps immédiat, tangible, authentique. »