Traduction de Françoise-Marie Rosset
Préface de Jorge Luis Borges. Introduction d'Italo Calvino
(Gallimard, 1974)
Cette édition est celle qui a fait connaître en France l’œuvre en prose de cette incontournable auteur des Lettres argentines, née en 1903 et décédée en 1993. On y trouve une sélection de nouvelles publiées entre 1948 et 1979.
Beaucoup des récits de ce recueil s'inscrivent dans la tradition de la littérature fantastique : dédoublement de la personnalité, métamorphose, anticipation... mais d'autres relèvent de la satire sociale ou du plus pur conte d'épouvante. Les personnages sont souvent des enfants dont la soi-disant innocence sert mieux d'amorce à la cruauté.
L'écriture d'Ocampo se nourrit de sa fantaisie, de ses visions, de sa sensibilité, de sa faculté d'observation, de ses lectures... sa "condition de poète exalte sa prose" explique Borges dans son introduction... et chaque nouvelle devient une expérience vitale où la beauté côtoie l'horreur.
« Je suis malade. Miss Fielding ne me laisse pas penser : elle me lit, de sa voix monotone de chat, « Robinson Crusoé ». Mais quel intérêt peut avoir pour moi un tel livre ? J'aime les livres où l'on parle d'amour et de crime. J'aime les livres de pensées. Je n'attends que l'heure des repas, qui ne m'apporte rien. Vais-je mourir avant d'avoir quinze ans ? J'ai compté les heures pendant lesquelles Miss Fielding m'a empêchée de penser depuis que je suis couchée : cinq heures aujourd'hui, trois hier, huit avant-hier : seize heures au total. Si je meurs avant mes quinze ans, je ne lui pardonnerai pas. »
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| Le cauchemar de Johann Heinrich Füssli, 1781 |
