"La mort d'Artemio Cruz" de Carlos Fuentes

 

Titre originale : La muerte de Artemio Cruz

Traduction de Robert Marrast

(Gallimard, 1966)


Carlos Fuente (1928-2012) fut avec García Márquez et Vargas Llosa un des auteurs majeurs de la littérature du XXe qui a contribué au rayonnement de la culture latino-américaine. Son œuvre se caractérise par sa dimension politique et historique. Ainsi son vaste roman Terra Nostra, publié en 1975, propose un voyage dans le temps, de l'Espagne des Rois Catholiques à l'absolutisme des Habsbourgs pour dénoncer les structures du pouvoir dans l'Amérique espagnole.

Nombre de ses livres offrent une archéologie de l'identité du sous-continent marquée par l'influence hispanique et le phénomène du métissage, une identité que Carlos Fuentes présente sous l'aspect de mythes. Pour ce qui est du Mexique, deux moments clefs de l'histoire nationale sont racontés dans l’œuvre de Fuentes : la Conquête et la Révolution.

De fait, la Révolution est un épisode important de la mémoire nationale mexicaine et a même donné lieu à un vaste ensemble d'ouvrages littéraires regroupé sous l'appellation “narrativa de la revolución mexicana” où l'on retrouve des noms prestigieux tels que Juan Rulfo, Mariano Azuela ou Martín Luis Guzmán.

La mort d'Artemio Cruz fait partie de ce vaste ensemble. Publié en 1962, il met en scène un révolutionnaire qui, sur son lit de mort, se souvient de sa vie. Mais, le roman de Fuentes s'inscrit davantage dans la tradition du jeu poétique que dans celui du témoignage : il s'agit d'un objet littéraire expérimental qui se structure sur trois temporalités et trois voix narratives. Le premier temps est le temps présent de l'agonie où Artemio Cruz dit “je”. Le second temps est celui du souvenir où Artemio Cruz est évoqué par “il”. Le troisième temps est celui qui précède l'agonie, Artemio Cruz s'adresse à lui-même en disant “tu”. Ce jeu littéraire virtuose propose une vision fragmentée et subjective de la vie d'Artemio Cruz qui aboutit à une dénonciation féroce du système politique mexicain tel qu'il existait dans les années 1960.


"Ce sont des jours qui, proches, lointains, repoussés dans l'oubli, étiquetés par le souvenir - rencontre et refus, amour fugace, liberté, rancune, échec, volonté - furent et seront quelque chose de plus que les noms que tu pourras leur donner : des jours où ton destin te poursuivra avec un flair de lévrier, où il te retrouvera, s'emparera de toi, s'incarnera en tes paroles et tes actes, matière complexe, opaque, adipeuse à jamais tissée avec l'autre, l'impalpable celle de ton esprit absorbé par la matière...