« Scipion » de Pablo Casacuberta

 Titre original : « Escipión »

Traduction de François Gaudry

(Editions Métailié, 2015)


Pablo Casacuberta est né à Montevideo en 1969. Il pratique tout à la fois l'écriture, la peinture, la photographie et la vidéo. Dans ce roman, il met en scène avec beaucoup d'humour, un homme baptisé Hannibal par son historien de père et que la vie a vaincu. La mort de ce père qui a tant pesé sur son destin, va amener Hannibal à ouvrir de vieilles blessures... Les péripéties du récit trouvent leur source dans l'introspection à laquelle se livre sans discontinuer ce personnage de raté, dans sa manière démesurément sensible d'être au monde.

« -N'est-ce pas que sur cette photo la ressemblance entre vous deux est frappante ? dit Manzini avec enthousiasme. 

En regardant de près, je dus convenir, en l'honneur de la vérité, qu'il avait un peu raison. À trente ans et quelques, sous cette lumière et cet angle, mon père n'était qu'une joyeuse et robuste version de ma personne. Il avait, pensai-je, le visage que j'aurais eu si je n'avais pas été piétiné, écarté et détruit, justement par lui-même. Sans lui, j'aurais peut-être eu une expression similaire à la sienne, un sourire épanoui, publicitaire, et la même lueur de sapin de Noël dans le regard. L'instant d'après, je corrigeai. Sans ton père, tu n'aurais aucune expression, ni triste ni heureuse, car tu ne serais même pas venu au monde. Je devais au moins au professeur cette contingence, et lui nier quelque mérite sur ce plan était décidément mesquin. »