Traduction de François Gaudry
Préface de Luis Sepúlveda
(Éditions Phébus, 1994)
« Il
était une fois... un géant, de près de deux mètres, né en 1910.
Il arborait une longue chevelure qui commençait à blanchir et une
barbe touffue de marin ; il avançait de cette démarche chaloupée
des matelots qui viennent de mettre pied à terre et ses pas le
conduisaient à la Maison de la Littérature. » C'est ainsi
que, dans sa préface, Luis Sepúlveda présente Francisco Coloane.
On prend à lire les récits de marins et de gauchos de Coloane le même plaisir qu'à lire Jack London. Ce grand monsieur des Lettres chiliennes, décédé en 2002, était originaire de l'extrême sud du Chili : il était né à Chiloé et avait grandi a Punta Arenas. Et ce recueil de nouvelles, Tierra del fuego, est une évocation magistrale de ces terres australes : leurs paysages, leur rudesse, leur démesure et les gens qui y vivent.
« Neuf cents hommes environ se rassemblèrent à la Meseta de la Turba, afin de prendre une décision finale ; c'étaient les rescapés des cinq mille insurgés qui avaient pris part au soulèvement ouvrier du territoire de Santa Cruz, en Patagonie.
Ils cachèrent leurs chevaux à l'abri d'un renfoncement rocheux et se dirigèrent vers le centre du haut plateau, qui se dressait telle une île solitaire au milieu d'une mer pétrifiée, plane et grise. Du sommet de ces falaises, de quelque trois cent mètres d'altitude, on pouvait surveiller la pampa qui s'étendait à perte de vue, en particulier les maisons aux toits rouges de l'estancia, que l'on apercevait à cinq kilomètres vers le sud. En revanche, nul œil humain n'aurait pu découvrir les neuf cents hommes réunis au milieu de ces vastes tourbières clairsemées de hautes herbes. Au loin, vers l'ouest, la cordillère bleutée des Andes patagoniennes fermait l'horizon de cette immense plaine. »
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| Gauchos en Patagonie chilienne (Ezioman,2007) |
