"L'heure sans ombre" d'Osvaldo Soriano

Portrait de Juan Domingo Perón et Eva Duarte. Numa Ayrinhac


Titre original : La hora sin sombra

Traduit par François Maspero

(Editions Grasset & Fasquelle, 1998)


Journaliste et écrivain, Osvaldo Soriano (1943-1997) était un des auteurs les plus lus en Argentine dans les années 1980-1990. L'heure sans ombre, publié en 1995, est son dernier roman. On y retrouve les thèmes chers à l'auteur : des personnages marginaux, l'univers provincial, l'histoire contemporaine de son pays... Le narrateur et protagoniste de ce roman est un écrivain qui parcourt l'Argentine à la recherche de son père mourant qui s'est échappé de l'hôpital. C'est donc un récit de voyage plein de péripéties. Mais c'est surtout un roman de la mémoire : à partir de vieilles photos, de témoignages, d'enregistrements, de souvenirs, le narrateur tente de recomposer son histoire familiale qui est aussi une histoire de l'Argentine. Ce travail, toujours à deux doigts d'échouer, est interrompu de réflexions sur l'écriture, de citations ou de jeux référentiels sur la littérature et par les situations absurdes et burlesques qu'il traverse.


« Le seul lecteur qui compte est soi-même, mais il y a quelque chose qui est à l'affût de l'autre côté. Une ombre brûlante qui juge, implacable ou indulgente. Je ne sais comment exprimer ça. Je ne pense pas à la critique, ni à aucune forme de transcendance. Encore moins aux lecteurs qui acceptent ou refusent un livre. Il ne s'agit pas davantage de morale ; dans ce cas il ne serait pas resté trace de Céline. Tout n'est que solitude, sifflements de trains qui partent, vents qui s'éloignent après avoir effacé la dernière empreinte. Il s'agit peut-être d'un excès de suffisance : je pousse une porte de ce côté-ci et de l'autre il y a le même moi qui met le pied pour la bloquer. Un étrange dédoublement. Le William Wilson de Poe qui parcourt les pages et se méfie de tout. Ce que j'écris n'est pas ce que je nomme et ce que je vois n'est pas ce que je regarde. Dans l'Art poétique, Boileau a situé le problème en une phrase : « Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable »