«L'homme de Quito » de Jorge Icaza

Cuadros del mestizaje


 Titre original : El chulla Romero y Flores

Traduit et préfacé par Claude Couffon

(Editions Albin Michel, 1993)


L’équatorien Jorge icaza (1906-1978) est un des fondateurs du courant littéraire indigéniste en Amérique Latine. On lui doit notamment une des œuvres fondamentales de cette littérature qui met en avant les Indiens et leurs conditions : Huasipungo (1934), traduit en français sous le titre La fosse aux Indiens, un roman qui traite de la condition servile des Amérindiens dans le système des grandes propriétés terriennes héritées de l'ordre colonial.

On retrouve dans ce roman-ci la problématique raciale à travers un personnage picaresque de métis, le chulla Romero y Flores, pris entre deux fantômes tutélaires : son père, gentilhomme déchu d'une noble famille d'origine espagnole et sa mère indienne. Cette opposition architecture les tensions de la société équatorienne que dépeint ce roman : des fonctionnaires aux hommes de pouvoir, du petit peuple aux plus nantis, le métissage pèse comme une tare que chacun tente de faire oublier et de dépasser.

Claude Couffon dans son introduction rapporte les explications de l'auteur : « Romero y Florès, le chulla Romero y Florès, est ce personnage qui essaie d'être quelqu'un en méprisant ce qu'il est vraiment. Voilà pourquoi il tombe dans le grotesque et aussi dans la tragédie. Comme il se sent loin de la classe à laquelle il voudrait accéder, il feint même ses passions les plus chères, mais finalement la vie lui donne sa véritable personnalité.[...] Si j'ai quelque affection pour le chulla Romero y Florès, c'est peut-être parce qu'il reflète beaucoup de ce que ma génération a vécu dans sa jeunesse, beaucoup de ce qui persiste dans les quartiers suburbains de ma ville, beaucoup de ce que mes anciens compagnons - maintenant diplomates et hauts personnages de l’église et de l'armée – ont fait et ont rêvé. C'est un être plein de mes souvenirs... »

Cette tension entre ce que l'on est et ce que l'on fait paraître donne lieu dans le roman à une carnavalisation de la société. Ainsi, après être passé chez un loueur d'habits pour faire bonne figure, Romero y Florès se rend à un bal chic où tout le monde est, comme lui, déguisé. La profusion des dialogues donne aux situations toute leur dimension de théâtre social.