Titre original : estas ruinas que ves
Traduction de François Gaudry
Editions Phébus, 2001
Jorge Ibargüengoitia (1928-1983) est un des auteurs les plus irrévérencieux du Mexique. Il s'attaque avec sarcasme, dans chacun de ses romans, à la réalité et aux mythes de son pays. Dans Los Relámpagos de Agosto (1963), il traite de la Révolution mexicaine ; Dans Les Conspirateurs (Los pasos de López, 1981), il se moque de la guerre d'indépendance, etc. Dans ce roman-ci, c'est à l'esprit provincial qu'il s'en prend. Il dépeint la vie anecdotique d'une petite ville imaginaire, Cuévano : ses habitants, leur autosatisfaction, leurs rivalités, leurs complicités, leurs ragots...
« Les Cuévanais reconnaissent que la ville a connu des jours meilleurs. Pour illustrer cette décadence, ils invoquent Oro, un village fantôme des environs, qui comptait à la fin du XVIIe siècle plus d'habitants que Cuévano aujourd'hui et passait pour un des hauts lieux de la Nouvelle Espagne.
-Ce que vous voyez là, disent-ils au visiteur, ne sont que les vestiges de ce que fut Cuévano.
A quoi le nouveau venu se doit de répliquer :
-Des vestiges ? Mais cette ville est un joyau !
S'il ne dit rien de ce genre, il court le risque de vexer l'amphitryon, car les Cuévanais cultivent une fausse nostalgie des splendeurs passées. En vérité ils sont intimement satisfaits de leur ville. Il n'est pas à leurs yeux de ciel plus bleu que celui qu'ils aperçoivent découpé par les collines, ni d'air plus pur que celui qui souffle parfois avec une violence d'ouragan, ni de demeures plus élégantes que les maison délabrées le long de la promenade des Tepozanes. »