Manifestation du 8 mars 2023 à Guadalajara. Personne ne m'a demandé comment était habillé mon agresseur |
Titre original : Todas las familias felices
Traduit par Céline Zins et Aline Schulman
(Éditions Gallimard, 2009)
Publié en espagnol en 2006, ce livre est un des derniers du grand auteur mexicain né en 1928 et décédé en 2012. Il s'agit d'un recueil de nouvelles rythmé par des poèmes nommés « choeurs » qui donnent la parole à des personnages de la société mexicaine : « mères-filles des rues », « parfaite épouse », « fils de bonne famille »... Le fil conducteur de tous ces textes étant la famille. L'occasion pour l'auteur de dresser un portrait sans concession de son pays : poids du patriarcat, de la religion, corruption, mélodrames des boléros, américanisation culturelle, solitude de la modernité, machisme, misère, racisme envers les indiens, statut servile... On retrouve dans ce livre le projet, déjà présent dans l’œuvre de Carlos Fuentes, de rendre compte de la réalité mexicaine dans sa totalité, une réalité marquée par la violence jusque dans l'intimité.
Esquisita a accouché dans la rue
La moitié des filles des rues sont enceintes
Elles ont entre douze et quinze ans
Leurs bébés ont entre zéro et six ans
Beaucoup ont de la chance et avortent parce qu'on leur flanque une telle raclée
Que le fœtus sort en hurlant de peur
Est-on mieux dedans ou dehors ?
Je ne veux pas rester ici mamacita
Jette-moi plutôt aux ordures maman
Je ne veux pas naître pour devenir chaque jour plus abruti
Sans me laver mamie ni manger maman
Sans autre nourriture que l'alcool maman la marihuana maman
L'essence maman
Tes seins débordant d'essence maman
Je lance par la bouche les flammes que j'ai tétées maman
Quelques centimes maman
Aux carrefours maman
La bouche pleine de l'essence que j'ai tétée maman
La bouche en feu brûlée
Les lèvres en cendres à dix ans