"Inacio" de Lucio Cardoso

 

John, Pimp & Prostitute. Expressionism 2023. David S. Soriano

Traduction de Mario Carelli

(Editions Métailié, 1991)


Le Brésilien Lúcio Cardoso (1912-1968) fut écrivain, poète, journaliste mais aussi auteur dramatique et metteur en scène. Une expérience du théâtre que l'on retrouve dans ce roman notamment dans la manière de camper et d'animer les personnages ou dans le goût pour la pantomime.

On ne trouvera pas dans ce livre un véritable récit mais plutôt une galerie de personnages en crise existentielle, un regard grotesque et absurde sur le réel, une traversée fébrile de la vie, de l'amour, de la mort. Le drame qui se joue c'est l'antinomie entre la détermination et la création.

Rogerio Palma, un étudiant alcoolique qui vit dans une pension de famille médiocre, se met en tête de partir en quête de la pureté et de la joie. Ce projet se voit vite menacé par les rencontres qu'il fait : sa logeuse coquette et indiscrète, Lucas venu pour le tuer et le mystérieux Inácio, perçu dans le rêve, évoqué, apparition inatteignable.


« -Comment t'appelles-tu ? -lui ai-je demandé.

-Violeta – me répondit-elle, portant son verre de whisky à ses lèvres.

Violeta ! Au début, j'avais décidé de ne rien lui demander. Je voulais qu'elle restât à sa place et qu'elle ne me dérangeât pas avec ses histoires. J'avais imaginé que je la maintiendrais dans ses limites – celles d'une prostituée – rien que dans ses limites. Si je l'autorisais à les franchir à ce moment précis, c'était seulement parce que je buvais, et que j'avais besoin de quelqu'un avec qui parler. Je m'amusais, comme on dit. Mais le besoin de parler de mon plan me pressant, je n'avais pas résisté et j'avais fini par lui demander son nom. Et ces quelques syllabes – Violeta – m'ébranlèrent intérieurement de cet ébranlement qui me saisit toujours lorsque j'entends un nom pour la première fois. Les noms ne sont-ils pas imprégnés d'un limon bien à eux, comme s'ils avaient traversé certaines latitudes, les uns fatigués, les autres brillants, mais toujours des noms qui nous rappellent ou qui nous font souffrir pour quelque chose qui parfois ne subsistait plus dans le fond de la mémoire ? »