"Appelez-moi Cassandre" de Marcial Gala

Cassandre se plaçant sous la protection de Pallas par Aimé Millet (1819-1891)

Titre original : Llaménme Casandra

Traduction de François-Michel Durazzo

(Zulma, 2022)


Voici un roman cubain d'aujourd'hui qui s'inscrit dans la tradition baroque de l'île. En effet, le narrateur, Raúl, qui déroule sa vie est tout à la fois un enfant sensible et rêveur, un jeune homme que sa mère habille en fille, un soldat efféminé enrôlé dans la guerre d'Angola et Cassandre, la fille de Priam, celle dont on ignorait les prophéties. Avec virtuosité, Marcial Gala, superpose les temps pour aboutir au seul temps éternel et recommencé du mythe.

Un roman qui rend hommage à deux grands écrivains homosexuels de Cuba : Reinaldo Arenas à qui il est dédié et Virgilio Piñera qui, lui aussi, avait réinvesti un mythe pour dresser une satire de la société cubaine dans sa pièce Electra Garrigó. Marcial Gala, lui, dresse le portrait d'une société marquée par le machisme.

Marcial Gala est né à La Havane en 1965. Il est romancier, poète et architecte.


"Je ne veux pas être Raúl, ça je l'ai toujours su, dès mon plus jeune âge je l'ai su. Je ne suis pas Raúl parce que je suis Cassandre et que le sang de Priam coule dans mes veines. Les dieux me l'ont dit.

-Tu es ici de passage, tu repasseras l'Hellespont et de nouveau tu sacrifieras un bœuf à longues cornes, m'a annoncé Athéna.

Et j'ai regardé ses pieds chaussés de sandales d'or qui laissaient une fine trace, invisible à tout autre que moi, à l'intérieur de la salle de cours d'espagnol, quand le professeur venait me mettre la main sur l'épaule et me dire que j'étais beau, presque comme une petite fille.

Athéna se tient derrière le professeur, elle a dans les yeux un sourire de chouette et elle me parle dans une langue ancienne que je comprends très bien.

-Tu dois retourner dans l'Ancien Monde, dit-elle. C'est là, au pays de l’Éthiopien à la chevelure hirsute, que prend fin ton temps dans cet âge. "