« La mort à Veracruz » d'Héctor Aguilar Camín

 

Titre original : Morir en el Golfo

Traduit par Mara Hernández et René Solis

(Éditions du Seuil, 1992)

Héctor Aguilar Camín est écrivain et aussi journaliste. Il dépeint dans ce roman noir la collusion entre le monde politique et le monde criminel dans le Mexique des années 1960-1980. Il construit le roman autour de la figure d'un chef de syndicat tout-puissant qui a des allures de moine prolétarien mais aussi de cacique qui ne veut rien perdre de ses prérogatives. Une lutte de pouvoir qui s'inscrit dans l'histoire politique et sociale du Mexique.


« Essayez donc de comprendre, dit-il d'un ton à peine audible. Écoutez ce que je vous dis. Là-bas, on compte deux morts par jour uniquement à cause du mezcal. Vous n'êtes jamais entré dans une prison de la région ? J'ai visité celle de Chicontepec la semaine dernière. Un des prisonniers avait tué sa mère. Un autre, son camarade de beuverie. Un troisième avait violé sa fille et l'avait rouée de coups. Aucun ne se rappelait ce qu'il avait fait. Rien que des morts et des souffrances inutiles. Des morts qui n'ont pas produit de fruits, qui n'ont pas germé, qui n'ont pas fertilisé le bien-être des autres. Voilà les morts qu'il nous faut combattre : les morts stériles, celles dues au mezcal et à l'ignorance. Des morts violentes, il y en aura toujours, c'est la loi de l'histoire. Notre mission, c'est de rendre ces morts fertiles, créatrices. C'est tout. (Il regarda le portrait de Cárdenas accroché au mur, ses traits presque adolescents, ses grandes oreilles, son regard langoureux. ) Combien sont morts pour permettre à cet homme de s'asseoir dans le fauteuil présidentiel ? »