« Vers le port d'origine » de Juan Bosch

 Conteur arabe au milieu des Fellahs - Goupil-fesquet Frédéric Auguste Antoine - 1843

Titre original : Cuentos escritos en el exilio

Traduit par Guillermo Piña-Contreras et Françoise Mironneau

(Alinea, 1988)


Juan Bosch est surtout connu en France pour son œuvre politique. Fondateur du Parti Révolutionnaire Dominicain, il a vécu plus de vingt ans en exil sous l'ère sanglante du dictateur Trujillo. Élu président de la République en 1963, il est renversé sept mois plus tard par un coup d’État militaire appuyé par les marines américains. Il a écrit des essais qui exposent sa vision de l'Histoire des Antilles et son idéologie. Mais, on le sait moins, c'est aussi un conteur reconnu des lettres hispano-américaines. Dans ce recueil, il donne d'ailleurs, en fin d'ouvrages, des explications sur son savoir-faire de conteur. Pour Juan Bosch, peu importe que la fin d'une nouvelle soit surprenante ou pas. Ce qui compte c'est de sélectionner soigneusement l’événement que l'on veut raconter et d'organiser tout le récit autour de cet événement.

On trouvera dans ce recueil de nouvelles des récits hyperréalistes et aussi des récits fantastiques et absurdes.


« Victoriano était grand – probablement plus de six pieds –, très maigre et silencieux. Ses yeux étaient saillants et injectés de sang ; il avait la peau cuivrée, les cheveux rudes et le nez très fin. Mais il avait surtout un air étrange, une expression indéfinissable. Le contraste entre son silence et sa voix produisait une très mauvaise impression, car il ne parlait que rarement, pour appeler sa femme et lui demander du café. Sa voix grave et dure retentissait alors dans une bonne partie de cette petite rue, laissant la conviction que Victoriano Segura était un homme autoritaire et violent. Cette sensation s'aggravait du fait qu'il n'adressait jamais la parole à personne dans la rue : jamais il ne souriait ni ne répondait au bonjour des autres. De plus, son arrivée même dans ce quartier avait eu quelque chose de mystérieux. »