« La Terre de feu » de Sylvia Iparraguirre

Les trois Fuégiens ramenés par le Capitaine Fitz-Roy - John Hayter -1831

 

Titre original : Tierra del fuego

Traduction de Bertille Hausberg

(Éditions Métailié, 2002)


Écrivaine et essayiste, Sylvia Iparraguirre est née en Argentine en 1947.

Publié en 1998, La Terre de feu est son second roman. C'est un roman historique qui se présente sous la forme de lettres rédigées par un personnage qui a connu Jemmy Button, un jeune indien yamana enlevé par le capitaine Fitz Roy lors d'un voyage en Terre de feu et ramené en Angleterre.

C'est le récit d'une rencontre avec un univers alors sauvage ainsi qu'une réflexion sur le drame que constitua la colonisation dans cette région du monde.


« J'ai relu ce que maintenant je traduis : « en tant que témoin direct et privilégié des faits, nous souhaiterions vous voir rédiger un rapport complet sur ce voyage et sur le destin ultérieur du malheureux indigène qui a dirigé le massacre pour lequel il a été jugé dans les Iles »

La lettre provoquait en moi un malaise croissant. Quelle était la version demandée à propos du « malheureux indigène », de cet homme appelé Jemmy Button par les Anglais mais dont personne ou presque ne sut le véritable nom, son nom yamana ? L'Indien coiffé d'un chapeau, les pommettes luisantes sous son chapeau, vêtu d'une redingote, une sorte de cocher trapu et grotesque, un Button soumis et souriant, jetant en l'air les pièces de monnaie sur les pavés crasseux de Londres ? Ou le sauvage du Cap Horn, nu sous la pluie glacée, le corps puant la graisse de phoque, la tignasse informe et le visage barbouillé de noir ? Ou, enfin, l'homme vieilli et serein que j'ai retrouvé des années plus tard sur le banc des accusés, pendant le procès dans les Iles, dont les yeux impassibles dans leurs orbites creusées avaient regardé une dernière fois les blancs, les hommes venus de l'est. »