Titre original : Caracol Beach
Traduit par Dominique Lepreux
(Éditions Liana Levi, 2000)
Né en 1951, décédé en 2011, le Cubain Eliseo Alberto fut écrivain, journaliste et scénariste. Il dirigea la rédaction de la gazette littéraire El Caimán barbudo. Il s’exila au Mexique en 1990. Avec ce livre, il obtint le prix international de roman Alfaguara en 1998.
C'est un thriller baroque qui met en scène, dans un engrenage poétique complexe, la rencontre tragique entre deux univers : celui inconséquent de la jeunesse dorée mexicaine et celui d'un homme, ancien combattant cubain d'Angola, enfoncé dans la folie. Deux fils narratifs soutiennent ce récit : Le même jour, un homme en proie à des visions douloureuses cherche quelqu'un qui puisse le tuer et un groupe de jeunes gens organise une fête dans une maison cossue de Caracol Beach. Sur ces deux fils s'entrecroisent toute une galerie de personnages et de voix, des hallucinations et des souvenirs.
"La nuit précédente le soldat avait une nouvelle fois rêvé du tigre du Bengale et il s'était levé d'un bond. Il avait un goût de viande avariée dans la bouche. Il crachait du sang. Les nerfs lui avaient détérioré les gencives et il eut beau se laver les dents avec du bicarbonate de soude et boire mille tasses de café pour fumer mille Camel sans filtre, l'acide de l'infection suppurait goutte à goutte. Il se pelotonna sous sa couverture. Depuis le calvaire de la guerre, à Ibonda de Aku, il y avait de cela dix-huit ans, il dormait par précaution avec ses bottes, habitude qui avait fini par lui délabrer les pieds, devenus les hôtes de champignons importuns. Il voulut se réfugier dans un souvenir plaisant de sa vie et échapper sur-le-champ au guet-apens. En vain. Par la fente de ses paupières il vit entrer le tigre. Un tigre. Le tigre. Le jaune. Du Bengale. Sa présence lui coupa le souffle."
