"Sagarana" de João Guimarães Rosa


 

Traduction de Jacques Thiériot

(Editions Albin Michel, 1997)


João Guimarães Rosa (1908-1967) est un écrivain majeur de la littérature brésilienne. Auteur de nouvelles, il a écrit aussi un monumental roman épique intitulé Grande Sertã: veredas, traduit en français sous le titre de Diadorim. Le sertão est la plupart du temps le cadre de ses histoires.

Sagarana est un recueil de nouvelles ou de romans brefs publiées en 1946 mais que l'auteur n'a cessé de retoucher jusqu'à sa publication définitive en 1960, ce qui montre l'importance que ce recueil avait pour lui. Il y célèbre le Minas Gerais, la richesse infinie de sa faune et de sa flore et met en scène ses habitants, gens simples de campagne qui, estimait João Guimarães Rosa « fournissent les meilleurs personnages de parabole ».

L'écriture est complexe, fruit d'un profond travail poétique et d'innovations de langage : archaïsmes, mots et tournures des parlers populaires, termes érudits, vocables étrangers – l'auteur parlait plusieurs langues - néologismes. Pouvoir lire ce livre en français requiert un extraordinaire travail de traduction.


"Une ruine dans un trou perdu. Là, sur la berge du rio Pará, on a laissé à l'abandon toute une bourgade : maisons, dont une en pierre, la chapelle ; trois épiceries, la buvette et le cimetière ; et la rue, solitaire et longue, qui maintenant n'est même plus une route tant la végétation l'a engorgée.

A l'entour, de bons pâturages, de bonnes gens, une terre bonne pour le riz. Et cet endroit était porté sur les cartes, bien avant l'arrivée de la malaria.

Elle est venue de loin, du rio São Francisco. Un jour, elle s'est mise en route, elle est entrée dans la bouche ouverte du Pará, et s'est mise à monter. Chaque année, elle avançait d'une poignée de lieues, plus près, plus près, tout près, faisant peur aux gens, parce que c'était une méchante fièvre – le palu sans accalmie – qui tuait beaucoup de monde.

-Peut-être qu'elle viendra pas jusqu'ici....Si Dieu veut...

Mais elle est arrivée ; sans atermoyer pour venir. Et ce fut une année de tristesse."