"Quartiers d'hiver" d'Osvaldo Soriano

Mahir (boxeur). Agence Rol, 1912

 

Titre original : Cuarteles de invierno

Traduction de Marie-France de Palomera

(Grasset & Fasquelle, 1996)


Osvaldo Soriano (1943-1997) est un écrivain, scénariste et journaliste argentin. En 1976, quand une dictature militaire prend le pouvoir dans son pays, il s'exile en Belgique et ensuite en France jusqu'en 1984.

Son premier roman a été publié en 1973. Un roman noir traduit en français sous le titre Je ne vous dis pas adieu (Triste Solitario y final). Ses romans suivants seront interdits en Argentine. Notamment, Jamais plus de peine ni d'oubli (No habrá más pena ni olvido) qui est une critique virulente du péronisme.

Quartiers d'hiver est publié en 1981; Il s'agit de son troisième roman. On y trouve son style et ses thèmes de prédilection : la chronique sociale, les personnages marginaux et la satire politique.

Le narrateur du roman, Andrés Galván, un chanteur de tango, arrive dans un ville de province, Colonia Vela, où il a un contrat pour la fête de la ville. A la gare, il rencontre Rocha, un boxeur, qui a lui aussi été recruté pour les festivités. Deux personnages qui n'ont rien à voir avec la politique mais qui tombent sur une fête organisée par les militaires.

Galván devra chanter au théâtre pour un public choisi, des militaires, des notables et des membres de l'Eglise. Rocha, lui, est prévu pour la partie populaire de la fête et il devra affronter un officier très entraîné qui ne peut pas perdre parce qu'il représente l'armée.

En arrivant, ils sont reçus par le Docteur Exequiel Ávila Gallo, un avocat patriote et partisan de la dictature. Il leur conseille de n'avoir aucun contact avec le public avant leur prestation et, s'ils sont interrogés par la presse, d'insister sur le rôle de l'armée dans l'organisation de la fête. Il leur donne rendez-vous pour la messe du lendemain. On voit présenté, dès le début du roman, le thème du contrôle social organisé par les autorités.

Il est à noter que la ville de Colonia Vela est un lieu fictif qui fonctionne comme le Macondo de García Márquez ou le Santa María d'Onetti, des espaces qui symbolisent et condensent des réalités plus vastes. Dans ce roman, un espace dictatorial où la violence et la cruauté font irruption de manière totalement arbitraire et absurde. C'est une ville où on voit peu de gens jeunes parce que, explique un personnage « beaucoup ont été tués, d'autres sont partis ».

Bien que le thème soit tragique, Osvaldo Soriano le traite avec humour. Les personnages sont caricaturaux, les situations grotesques, les dialogues amusants.

Galván, le chanteur ne se soumet pas et il est plus lucide sur la situation que le boxeur mais il se met rapidement en difficulté à cause de son indépendance d'esprit. Le boxeur est un idéaliste naïf. Un géant avec une force énorme et un grand courage.

L'aventure, bien entendu, terminera mal, surtout pour le boxeur qui s'entête à vouloir combattre bien que le match soit truqué. A la fin, Galván dit qu'il ressent « une peine profonde pour cette tête de mule qui n'avait pas voulu accepter d'avance sa déroute ». Il souligne le courage exceptionnel du boxeur qui s'est battu jusqu'au bout. Ce personnage de lutteur idéaliste et vaincu nous évoque ceux, nombreux, qui ont tenté de résister à la dictature et ont été vaincus.